Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce pays – enfin, une chose de plus.
Quand The Magpie Murders de Anthony Horowitz est sorti outre-Manche il y a deux ans, il a immédiatement été salué comme une réussite majeure par la presse quasi-unanime, et les nominations et récompenses n’ont pas tardé à pleuvoir. Ah oui, et il s’est bien vendu en plus.
La traduction française – Comptine mortelle – est parue chez nous l’an dernier et… rien. Pas un mot dans la presse généraliste ni spécialisée. Seuls quelques blogueurs (surtout des blogueuses d’ailleurs) en ont parlé, souvent avec enthousiasme. Quant aux récompenses… zéro. Le livre pourrait aussi bien n’avoir jamais existé.
Et pourtant Comptine mortelle est une livre formidable, et surtout original, qui redonne un coup de jeune au roman d’énigme classique. C’est peut-être bien ce que l’establishment du polar français lui reproche, d’ailleurs. Si les goûts des lecteurs moyens se sont beaucoup diversifiés depuis quelques années, ceux des pontes – qu’ils soient critiques, jurés, directeurs de collection – se sont en revanche radicalisés. Le Grand Prix de Littérature Policière ne couronne ainsi pratiquement plus que des romans noirs, et manifeste une souveraine indifférence aux grandes tendances doublé d’un splendide isolement culturel: Horowitz ou Louise Penny ne sont pas nommés, mais vas-y que je donne le prix à des auteurs inconnus dans leur propre pays comme Jake Hinkson ou ne relevant pas du tout du genre comme Ron Rash… Les prix décernés par le grand public (enfin, celui que les éditeurs sélectionnent) ne sont pas différents. Du noir, du noir, encore du noir. On finit par ne plus y voir goutte.
J’avoue mon parti-pris pour ceux qui ne l’auraient pas deviné depuis le temps: je n’aime pas le roman noir tel qu’il se comprend chez nous depuis Saint Jean-Patrick Manchette que je considère du reste comme terriblement surestimé en tant qu’écrivain et critique, et dont l’influence sur l’école française a été largement négative quoiqu’en disent ses thuriféraires. A une époque qui n’a que le mot « diversité » à la bouche, ce serait bien que les têtes pensantes du milieu polardier français s’avisent qu’elle existe aussi dans notre genre préféré. Parler de « littératures policières » c’est bien, les reconnaître et leur donner une visibilité égale, c’est mieux. Je ne demande pas le Trophée 813 pour M.C. Beaton, mais que 813 et Temps Noir se penchent par exemple un peu sur d’autres auteurs que James Ellroy, Robin Cook, Elmore Leonard ou le sus-nommé Manchette, ce serait un bon début, non? Les intégristes du noir ont eu leur quart-d’heure de gloire, il est temps de passer à autre chose et à une conception de la « littérature policière » un peu plus large et fédératrice, et pour ce faire les dissidents doivent se faire entendre. Cela fait douze ans cette année que j’ai crée ce blog et, aussi hallucinant que cela puisse paraître, je suis toujours le seul à me spécialiser dans le roman à intrigue. Je vous rassure d’emblée, je n’entends pas déposer les armes, mais c’est très frustrant. Pour rester poli. Il y a visiblement un blocage d’ordre culturel que je ne m’explique pas, et qui est en tout cas d’origine récente puisque la France a longtemps pratiqué roman d’énigme (qu’elle a inventé sous sa forme moderne) et suspense psychologique avec entrain et en virtuose. C’était ceci dit avant que Le Prophète ne débarque – mais bon, je radote, lot de tous ceux qui prêchent dans le désert. Mais que faire d’autre? Je suis ouvert à vos suggestions, amis lecteurs.
That a book like Magpie Murders does not receive any attention from the press, general or specialized, is quite surprising and disappointing. If you are correct that it hardly generate any sales, would that not be some evidence that French readers do not care for non-noir? Wouldn’t that go against your « cultural hegemony » view of that it is only French publishing professionals / elites who disdain non-noir? Or do you see this lack of sales a short evidence that the cultural hegemony is so complete that it has been successful in restricting the public’s interest and tastes?
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I don’t have the numbers for Magpie’s sales in France, so I can’t comment on this aspect of the case, but French readers *do* read non-noir crime fiction. The most popular homegrown crime writers in France – Fred Vargas, Michel Bussi, Karine Giebel, Franck Thilliez – hardly qualify as noir, at least in the very peculiar sense that the word has been given lately, and are often hated or despised by the noirists. So I guess they might have liked Magpie… had they been told about it. In fairness though Horowitz is primarily known here as a children’s author,and that may have hurt him in a country like ours that very much believes in labels and a hierarchy of genres.
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I have several titles of Vargas and a few of Bussi lying around that I plan to read (in French), but I had not come across the names of the other two authors you mention. Thanks for calling them to my attention. How would you qualify their work?
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I’d say their books are thrillers – at least that’s the way they’re marketed. I could also have mentioned Maxime Chattam and Sire Cédric in the same vein.
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La seule solution est de créer ton propre récompenses.(Les prix annuels Xavier Lechard pour la fiction policière.) !
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